Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Personne ne sait exactement où se trouve le Bureau.
Il n’est sur aucune carte.
Il ne clignote pas sur Google Maps.
Et pourtant, chaque jour, il reçoit des milliers de choses.
Pas des doudous.
Pas des clefs.
Pas des baskets oubliées dans un gymnase.
Non.
Le Bureau des Objets Qu’on Perd Sans Savoir collecte tout le reste.
Une idée brillante oubliée dans le sommeil.
Une envie d’aventure qu’on n’a jamais eue le temps de suivre.
Un prénom qu’on avait presque retenu.
Un rire, perdu entre deux larmes.
Un dessin inachevé.
Tout ça, ça finit là-bas.
Dans un immense bâtiment bancal, tout en poutres grinçantes et fenêtres à carreaux flous.
Les murs changent de couleur selon l’heure.
Et l’air y sent le souvenir tiède.
Ce soir-là, une nouvelle recrue venait d’arriver.
Eliott, 10 ans.
Pas volontaire. Pas au courant.
Juste… tombé dedans.
Il cherchait sa montre. Il a trébuché dans un rêve. Et le voilà là.
Un grand monsieur au manteau violet lui tendit un badge :
Avant qu’il puisse protester, il était dans une pièce immense.
Des étagères. Des tiroirs. Des boîtes.
Toutes étiquetées.
« Chose qu’on voulait dire mais qu’on a gardée pour plus tard. »
« Premier dessin qu’on a eu peur de montrer. »
« Souvenir d’un endroit où on n’est jamais allé. »
Eliott n’y comprenait rien.
Mais au bout d’un moment,
il trouva une boîte sans étiquette.
Il l’ouvrit.
Dedans, un minuscule flocon de lumière.
Il le toucha.
Et soudain, il se souvint.
De ce jour où il avait voulu faire un spectacle devant ses parents.
Mais qu’il s’était caché derrière le canapé.
Et qu’il avait dit « non, j’ai rien préparé ».
Le flocon s’envola.
Remonta doucement dans l’air…
Et disparut.
Le monsieur au manteau violet sourit.
Eliott resta là encore un moment.
À ouvrir des boîtes.
À faire revenir des choses.
Des envies. Des oublis. Des bouts de soi.
Et puis, quand il fut prêt…
Il repartit.
Depuis, il n’a plus jamais perdu exactement les mêmes choses.
Et quand quelque chose disparaît sans raison…
il sourit.
Parce qu’il sait où ça va.
Et qu’un jour, peut-être,
quelqu’un viendra le remettre à sa place.