Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Il y a très longtemps,
au sommet d’une chaîne de montagnes oubliée,
vivait un bouquetin solitaire nommé Galet.
Il n’était ni le plus fort, ni le plus rapide.
Mais on disait de lui qu’il avait le regard fixe de ceux qui savent.
Chaque jour, Galet grimpait jusqu’au Col Muet,
un passage balayé par le vent, que personne n’osait traverser.
Car là-bas, le silence n’était pas normal.
Pas un oiseau.
Pas un souffle.
Pas même le crissement de la neige.
Et pourtant… Galet y allait.
Chaque matin.
Comme une horloge faite de cornes et de poils.
Il s’installait.
Et attendait.
Certains marmottes disaient qu’il attendait un esprit.
Les choucas parlaient d’un pacte ancien.
Mais personne ne savait.
Et Galet ne parlait pas.
Jusqu’au jour où une petite renarde blanche nommée Iska monta jusqu’au col.
Elle était vive. Trop curieuse. Et un peu têtue.
Iska resta un moment.
Elle s’ennuya.
Puis s’agaça.
Puis… elle entendit.
Pas un son.
Mais un frisson.
Un souffle dans la pierre.
Comme un murmure très ancien.
Et soudain, une bourrasque tourna.
Une neige fine se leva…
et forma des lettres dans l’air.
« Il est temps. »
Galet se leva.
Avança jusqu’au bord du col.
Et… frappa du sabot.
La montagne trembla légèrement.
Et une faille s’ouvrit dans la roche.
Pas un gouffre.
Un chemin.
Derrière, on voyait une vallée que plus personne ne connaissait.
Une vallée cachée depuis des générations.
Des arbres gelés.
Des pierres luisantes.
Et au centre, un lac qui ne reflétait que le ciel d’avant.
Depuis ce jour,
la vallée a rouvert.
Les plus discrets y vont parfois.
Pas pour changer le monde.
Mais pour se souvenir qu’il existe des lieux où il faut savoir attendre,
pour entendre ce que personne ne dit.