La Clairière qui Changeait de Place

Histoire écrite par Valentin Dubrulle

Personne ne savait comment on y arrivait.
Parfois, elle était après le vieux chêne tordu.
Parfois, derrière le ruisseau chantant.
Et parfois… elle n’était nulle part.

Mais une chose était sûre :
la clairière existait.

On disait qu’elle n’apparaissait qu’aux enfants perdus mais pas inquiets.
À ceux qui marchaient sans chercher.
À ceux qui regardaient les arbres comme on regarde une énigme.
Et surtout : à ceux qui ne demandaient rien.

Cette nuit-là, Mila s’était levée sans savoir pourquoi.
Elle avait mis ses bottes, sa lampe, et pris un quignon de pain.
Pas peur. Pas sûre non plus.

Elle avait traversé le jardin.
Puis les ronces.
Puis un pont qui n’existait pas la veille.

Et là… elle la vit.

Une clairière toute ronde.
Recouverte d’une herbe lumineuse, comme de la neige verte.
Au centre, une seule chose :
un arbre creux, plus grand que tous les autres.

Pas un arbre magique.
Pas un arbre qui parle.
Mais un arbre qui attendait.

Mila s’approcha.
Mitraille de lucioles.
Souffle de brume.

Et à l’intérieur de l’arbre… un livre.

Pas de titre.
Pas d’auteur.
Juste des pages blanches.

Mais quand elle posa les doigts dessus…
des mots apparurent.

“Écris ce que tu ne veux dire à personne.”

Mila hésita.
Puis s’assit.
Et écrivit.
Une chose. Puis deux. Puis tout un chapelet de pensées qu’elle ne savait même pas qu’elle portait.

Quand elle releva les yeux,
le livre s’était refermé.
Et l’arbre… avait disparu.

Elle était dans son lit.
Les bottes encore humides.
Le quignon de pain sur la table.

Le lendemain, elle retourna dans la forêt.
Pas de clairière.
Pas d’arbre.
Mais, sous le vieux chêne tordu…
un bourgeon.

Et depuis ce jour,
elle sait que, parfois,
certains secrets ne disparaissent pas.
Ils germent.
Et font de vous quelqu’un d’un peu plus libre.