Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Balthazar n’était pas un grand voilier majestueux, ni un énorme bateau de course.
Non.
C’était un petit bateau de bois, peint en bleu et blanc, avec une voile un peu déchirée et un mât qui grinçait quand le vent soufflait fort.
Il vivait dans un vieux port tranquille, entouré de barges sérieuses et de chalutiers bavards.
Mais Balthazar avait un rêve.
Il voulait faire le tour du monde.
Pas juste voguer d’une île à une autre.
Pas juste pêcher au large.
Non.
Il voulait naviguer autour de l’Antarctique, là où l’océan tourne sans jamais s’arrêter, là où le vent hurle comme un loup, là où les icebergs brillent comme des montagnes de verre.
Un rêve immense pour un si petit bateau.
Les autres navires se moquaient souvent de lui :
— « Tu es trop petit ! » disait la grande goélette.
— « Tu n’as pas assez de voile ! » riait le yacht rapide.
Mais Balthazar serrait ses cordages et répondait doucement :
— « Un rêve, ça ne se mesure pas à la taille des voiles. »
Un matin de printemps, porté par un vent doux et déterminé, il se détacha discrètement du quai.
Sa coque tremblait un peu, ses voiles battaient nerveusement, mais son cœur — car les bateaux de bois ont un cœur, bien sûr — battait fort d’espoir.
Balthazar traversa d’abord des mers tranquilles, où les dauphins sautaient autour de lui.
Puis il affronta l’Océan Indien, ses vagues aussi hautes que des collines.
Il fut secoué, bousculé, trempé… mais jamais il ne fit demi-tour.
Il contourna des îles désertes où les palmiers chantaient sous le vent.
Il traversa la mer de Tasman, pleine de tourbillons qui essayaient de l’avaler.
Et un matin, il arriva là où peu osaient aller : la grande boucle autour de l’Antarctique.
Le froid mordait ses cordages. Le vent le poussait si fort que ses voiles sifflaient comme des oiseaux en colère.
Des montagnes de glace dérivaient tout autour, immenses, silencieuses.
Balthazar avançait, minuscule point bleu dans un océan de blanc.
Un soir, alors que le ciel se teintait d’or et de violet, Balthazar vit une chose extraordinaire :
Des baleines géantes, blanches comme la neige, nageaient doucement sous la surface, l’accompagnant en silence, comme des gardiennes.
Il n’était pas seul.
Il n’était jamais vraiment seul.
Et quand il passa sous le grand cercle invisible du Pôle Sud, un courant chaud, venu du fond des océans, sembla le pousser doucement, comme pour lui dire :
« Tu as réussi, petit bateau courageux. »
Des mois plus tard, Balthazar rentra enfin au port.
Ses voiles étaient plus déchirées, sa coque était un peu cabossée, mais son cœur brillait plus fort que jamais.
Et cette fois, même la grande goélette et le yacht rapide baissèrent leurs voiles en signe de respect.
Car Balthazar, le petit bateau rêveur, était devenu le bateau qui avait fait le tour du monde.