Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Charlie était un carton solide, brun et bien plié, avec de beaux coins renforcés et du scotch brillant sur le ventre.
Il vivait dans une maison remplie de souvenirs.
Il connaissait par cœur :
Et il adorait ça.
Il rangeait les jouets, les souvenirs, les dessins.
Parfois un pull qui sentait la lavande, parfois une pile de vieilles photos qu’il serrait fort entre ses parois.
Mais un jour… il entendit un mot qu’il n’aimait pas du tout.
— « Déménagement. »
La famille allait partir.
On l’ouvrit, on le remplit, on le referma avec du scotch.
Et Charlie comprit : on allait l’emmener ailleurs.
Ailleurs ?
Mais pourquoi ?
Ici, c’était chez lui.
Alors Charlie prit une décision.
Pendant la nuit, il glissa — tac-tac — en bas de la pile.
Puis, il roula lentement dans le couloir…
et alla se cacher dans le placard à balais.
Là, il se serra contre le mur et attendit.
Le lendemain matin, les cartons furent chargés dans le camion.
Mais pas Charlie.
On le chercha.
On appela :
— « Charlie ? Où est le carton des souvenirs ? »
Mais rien.
Charlie tremblait un peu.
Il ne voulait pas être méchant…
Il voulait juste rester.
C’est alors que la petite fille de la famille, Zoé, le trouva dans le placard.
Elle s’accroupit doucement et dit :
— « Tu veux pas venir, hein ? »
Charlie ne bougea pas.
— « Tu crois que c’est ici qu’on t’aime ? Mais en fait, c’est nous qui t’aimons. »
Elle l’ouvrit, toucha les objets qu’il contenait, les dessins pliés, les doudous trop usés, et murmura :
— « Tous ces souvenirs, on les emmène avec toi. Parce que tu fais partie de nous. »
Charlie ne répondit pas. Il était un carton, après tout.
Mais quand elle le souleva pour le remettre dans le camion… il était un peu plus léger.
Comme s’il avait soupiré.
Dans la nouvelle maison, Charlie fut posé au milieu du salon.
Il y avait un nouveau parquet, de nouvelles fenêtres…
Mais bientôt, des rires revinrent. Des dessins aussi. Et des chaussettes oubliées.
Charlie sourit (intérieurement).
Il comprit une chose très importante :
Ce n’est pas la maison qui fait les souvenirs.
C’est les souvenirs… qui font la maison.