Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Lina se réveilla un matin avec une sensation étrange.
Pas triste.
Pas joyeuse.
Juste… un peu décalée.
Comme si le monde allait trop vite.
Elle s’habilla lentement.
Elle prit son petit-déjeuner lentement.
Mais tout autour d’elle, ça courait, ça claquait des portes, ça criait « Dépêche-toi ! ».
Alors, au lieu d’aller à l’école, elle tourna à gauche au bout du chemin.
Là où il n’y avait rien.
Enfin… presque rien.
Car ce jour-là, derrière une haie un peu trouée,
Lina trouva une vieille pancarte en bois :
« → Passage des Horloges Lentes »
Curieuse, elle écarta les branches.
Et elle tomba dans un autre monde.
Un monde où tout allait doucement.
Les oiseaux volaient lentement, comme dans l’eau.
Les feuilles tombaient si lentement qu’on pouvait les lire,
car elles portaient de minuscules poèmes écrits dessus.
Des chats se promenaient dans l’air, suspendus par la queue à des fils invisibles.
Un papillon restait en vol pendant des heures, sans jamais battre des ailes.
Et au loin, un vieil homme en redingote souriait sans hâte.
Elle ne demanda pas comment il connaissait son prénom.
Ici, tout semblait normal, même ce qui ne l’était pas.
Il l’emmena dans une grande horlogerie.
Mais aucune des horloges ne faisait tic-tac.
Elles faisaient plutôt mmmmh-hmmm ou chuuuuut.
Certaines mesuraient les battements du cœur.
D’autres le temps qu’on passe à rêver.
Une toute petite, toute en nacre, comptait les secondes où l’on se sent juste bien.
Et elle vit un vieux monsieur en train de recoller des instants ratés.
Une femme qui rattrapait des éclats de rire envolés.
Un enfant qui soufflait doucement sur un chagrin figé.
Lina passa ce qu’elle pensa être une journée entière là-bas.
Elle marcha sur des ponts faits de souvenirs.
Elle goûta une soupe qui avait le goût d’un jour de vacances.
Et elle s’endormit un moment sur un coussin de brume, bercée par une horloge à lumière.
Quand elle se réveilla, elle était chez elle.
Dans son lit.
Le monde avait repris sa vitesse normale.
Mais Lina, elle, gardait quelque chose en plus.
Un tout petit sablier accroché à son cou,
qui ne se vidait que lorsqu’elle se pressait trop.
Et chaque fois que le sable bougeait,
elle fermait les yeux, souriait…
Et se souvenait du Passage des Horloges Lentes.