Les Ouvriers de l’Autre Côté du Mur

Histoire écrite par Valentin Dubrulle

Tu n’as jamais remarqué ce petit grincement, le soir,
juste quand tu éteins la lumière ?
Ou ce clic étrange qui vient de derrière l’armoire ?
Peut-être un objet déplacé sans que tu comprennes pourquoi ?

Alors écoute bien.
Car voici la vérité :

Derrière chaque mur, vivent les Ouvriers.

Ils sont petits.
Très petits.
Plus petits qu’un bouchon de stylo.
Mais ce n’est pas leur taille qui les rend discrets.
C’est leur métier.

Car les Ouvriers ne font pas de bruit.
Ils réparent les mondes.
Pas les objets.
Pas les tuyaux.

Non.

Les mondes minuscules.

Quand une peluche commence à être triste sans raison :
c’est eux qui viennent lui raconter une blague.

Quand un rêve tombe en miettes avant la fin :
c’est eux qui le recollent avec du miel d’étoile.

Quand une chambre paraît un peu grise, même en plein soleil :
ils changent la couleur de l’air.

Et tout ça, la nuit.
Pendant que tout le monde dort.

Mais cette nuit-là, dans la maison de Zoé,
quelque chose clochait.

Le Mur de gauche s’était fendu.
Pas une fissure qu’on voit avec les yeux.
Une faille dans le calme.

Et comme tous les Ouvriers avaient trop de travail ailleurs,
ils envoyèrent un stagiaire.

Plin.
Pas plus grand qu’un bouchon.
Pas très doué.
Mais très volontaire.

Plin grimpa le long des prises,
se faufila entre deux briques,
et tomba pile dans le tiroir aux chaussettes trouées.

Zoé dormait.
Mais son rêve était tout emmêlé.
Des éléphants qui dansaient dans une salle de bain remplie de nouilles.

Ce n’était pas normal.

Plin, sans faire de bruit, entra dans le rêve.
Avec ses outils :

• Une aiguille à souvenir
• Un fil de silence
• Et une lampe à clarté lente.

Il tira, recousit, recala les éléphants dans une prairie.
Remplaça les nouilles par un lac de gelée dorée.
Et souffla doucement sur le tout.

Le rêve de Zoé s’illumina.
Elle sourit dans son sommeil.
Et murmura :

• « Merci… »

Plin sourit aussi.
Puis il repartit.
Par un interstice.
Dans le mur.
Sans bruit.

Le matin, Zoé ouvrit les yeux.
Sa chambre paraissait plus douce.
Elle ne savait pas pourquoi…
Mais elle mit ses chaussettes trouées,
et dans sa tête, quelque chose chantait doucement.