Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Je m’appelle Nila.
Je suis une raie manta.
Mon monde, c’était l’eau.
Bleue. Profonde. Froide parfois.
Un monde d’élans lents et de silences enveloppants.
J’ai toujours cru que l’eau était le ciel.
Jusqu’au jour où le ciel… m’a répondu.
Tout a commencé par des bulles qui ne remontaient plus.
Elles montaient… puis flottaient dans le vide.
Et plus haut, on voyait des algues voler comme des cerfs-volants.
Les dauphins furent les premiers à essayer.
Un bond. Deux bonds.
Et bientôt, ils planaient au-dessus des vagues, dans le vent salé.
On disait que l’air était devenu plus dense, plus doux, plus accueillant.
Un mystère.
Un cadeau ?
Un piège ?
Personne ne savait.
Je suis restée longtemps à les regarder.
Moi, Nila, immense, lente, prudente.
Je tournais sous la surface.
Je sentais les courants changer.
Et un jour, sans réfléchir…
j’ai monté une spirale.
Et j’ai quitté l’eau.
Ce n’était pas une rupture.
Pas un choc.
L’eau s’est juste diluée.
Et j’étais… dans un autre fluide.
Plus léger.
Plus vaste.
Plus libre encore.
Je flottais.
Je planait.
Comme si mes ailes comprenaient tout,
comme si le ciel m’avait toujours attendue.
Autour de moi, des poissons volaient en bancs ondulants.
Des méduses dérivaient lentement dans le crépuscule.
Et les baleines…
les baleines chantaient des refrains d’altitude.
Mais plus haut encore… il y avait le silence.
Le vrai. Celui qu’aucune nageoire ne comprend.
Là, je me suis arrêtée.
Je suis redescendue.
Car mon monde, malgré tout… c’est l’eau.
C’est là que je suis née.
C’est là que je comprends.
Mais parfois, quand la mer est calme,
je saute encore.
Je touche l’air.
Je goûte au vaste.
Et je sais maintenant que le monde n’a pas de plafond.