Rouquin, le Crayon Qui Ne Voulait Pas Colorier en Ligne

Histoire écrite par Valentin Dubrulle

Rouquin était un crayon rouge.
Pas rouge pompier.
Pas rouge tomate.
Un rouge un peu cerise, un peu coucher de soleil, un peu je-ne-sais-quoi.

Il vivait dans une trousse bien rangée,
entre Bleu-Mer et Jaune-Citron,
juste à côté de la règle qui criait « DROIT ! » à chaque fois qu’on dessinait de travers.

Chaque matin, quand la maîtresse sortait le cahier d’activités,
Rouquin soupirait.

• « Colorier la pomme. Sans dépasser. Toujours la pomme. Toujours entre les traits. »

Il en avait assez.

Assez de faire des arbres verts, des ciels bleus, et des soleils jaunes ronds comme des pièces de monnaie.

Lui, il rêvait de dessiner ce qu’il voyait les yeux fermés.

Un jour, alors que l’enfant qui le tenait commençait à remplir une page comme les autres,
Rouquin décida :

• « Cette fois, je fais à ma façon. »

Il glissa.
Il tourna.
Il zébra la pomme avec des éclairs.
Il fit un ciel en vagues rouges, des poissons dans les arbres, et un soleil en cubes.

Les autres crayons crièrent :

• « Tu dépasses ! »
• « Tu mélanges les saisons ! »
• « Tu dessines à l’envers ! »

Mais l’enfant, lui, riait.

Il ne savait pas pourquoi,
mais ce dessin-là lui faisait du bien.

À la fin du cours, la maîtresse passa dans les rangs.

Elle s’arrêta.
Regarda la feuille.
Et dit, sans hausser la voix :

• « C’est… étrange. Mais on dirait un rêve debout. »

Et elle sourit.

Depuis ce jour, Rouquin n’a jamais retrouvé sa place dans la trousse.

Il vit dans une poche, parfois dans un livre, souvent au fond d’un cartable.

Mais chaque fois qu’une idée sort des lignes,
qu’un éléphant veut voler,
ou qu’une fleur pousse dans un nuage…

on sait que c’est lui.

Et les autres crayons commencent, doucement, à dépasser un peu aussi.