Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Victor était un violon.
Il vivait dans une vieille malle, sous un lit qui ne grinçait plus, dans une chambre qui ne sentait plus les enfants.
Autrefois, Victor avait été le roi des notes.
Il chantait dans les mains d’une petite fille nommée Zoé.
Elle le prenait tous les jours, le serrait contre son épaule, et jouait des morceaux doux, des valses légères, des chansons pour endormir les cauchemars.
Quand elle jouait, Victor vibrait de tout son bois.
Il riait, pleurait, racontait.
C’était la plus belle chose qu’il connaissait.
Puis Zoé avait grandi.
Un jour, elle avait glissé Victor dans sa malle, très doucement, presque à regret, et avait dit :
— « Je te retrouverai un jour, promis. »
Mais les promesses, parfois, prennent du temps.
Les années passèrent.
Victor attendait.
Il écoutait les bruits de la maison :
des pas, des rires lointains, des portes qui claquent, le vent dans les rideaux.
Parfois, il rêvait.
Il rêvait qu’on le reprenait dans les bras.
Que ses cordes vibraient de nouveau.
Qu’il redevenait musique.
Mais chaque matin, il se réveillait dans le noir de la malle, seul.
Un soir, un nouveau bruit fit frissonner la maison.
Des pas petits.
Très petits.
Des pas d’enfant.
Puis… une main souleva le couvercle de la malle.
— « C’est quoi ça, papa ? » demanda une voix curieuse.
C’était la fille de Zoé.
Et Zoé souriait.
— « C’est mon vieux violon. Il s’appelle Victor. Je jouais avec lui quand j’étais petite, comme toi. »
— « Je peux essayer ? »
Zoé hésita. Puis hocha la tête.
L’enfant prit Victor dans ses bras, un peu maladroitement.
Il craqua un peu, mais ne dit rien. Il était trop ému.
Quand l’archet toucha les cordes, même si la note fut un peu fausse, un peu bancale… Victor revécut.
Il vibra. Il chanta. Il exista.
Et pour la première fois depuis des années, il entendit à nouveau des rires, pas ceux du passé, mais des rires d’aujourd’hui.
Depuis ce jour, Victor est ressorti de sa malle.
Il vit dans la lumière, posé sur une étagère, toujours prêt.
Parfois c’est Zoé qui joue.
Parfois c’est sa fille.
Mais à chaque note, il sourit.
Parce qu’un instrument n’est jamais oublié.
Il attend.
Et un jour, on le rejoue.