Zéline, la Grenouille Qui Voulait Écrire un Livre

Histoire écrite par Valentin Dubrulle

Zéline vivait au bord d’un étang.
Pas le genre d’étang qu’on voit sur une carte.
Un étang plein de mystère,
où les libellules écrivent en l’air,
où les roseaux chuchotent des secrets,
et où les cailloux changent de place quand personne ne regarde.

Zéline n’était pas comme les autres grenouilles.
Elle ne sautait pas partout.
Elle n’avalait pas les mouches sans réfléchir.
Elle regardait.

Elle écoutait.

Et surtout… elle rêvait d’écrire un livre.

Un vrai.
Avec des pages douces comme des pétales,
et des mots ronds comme des gouttes de pluie.

Chaque matin, elle trempait une plume d’aigrette dans une goutte de rosée,
et écrivait sur une feuille de nénuphar flottant.

Mais les mots glissaient.
La feuille tanguait.
Et le vent emportait les idées avant qu’elle ait le temps de les attraper.

Alors elle recommençait.
Encore.
Et encore.

• « Pourquoi tu fais ça ? » lui demanda un crapaud.
• « Les livres, c’est pour les humains. »

Mais Zéline sourit.

• « Les mots, c’est pour tout le monde. »

Un jour, elle essaya d’écrire dans la boue.
Les lettres s’enfonçaient.
Le texte s’en allait avec la pluie.

Un autre jour, elle grava des phrases sur un caillou plat.
Mais un héron s’en servit de repose-patte.

Elle essaya même de les chanter à la lune,
mais la lune ne savait pas lire les mélodies.

Et alors qu’elle commençait à se décourager,
une minuscule coccinelle s’approcha.

• « Tu n’as pas besoin d’un livre, » dit-elle.
• « Tu es déjà en train d’écrire. »
• « Mais où ? Rien ne reste… »
• « Regarde autour. »

Zéline leva les yeux.

Et elle vit.

Un papillon répétait une phrase qu’elle avait chantée.
Une brindille ployée formait une boucle comme dans son poème.
Un nénuphar portait encore la trace d’une lettre tremblée.

Tout l’étang… était devenu son livre.

Depuis ce jour, Zéline continue d’écrire.
Avec ses bonds.
Avec ses silences.
Avec la façon qu’elle a de regarder le vent comme si c’était un vieux mot oublié.

Et si un jour tu passes près d’un étang et que l’air te semble étrange,
comme rempli de phrases que tu ne comprends pas encore…
Peut-être que tu lis, sans le savoir, le livre d’une grenouille.