Le Chevalier et le Dragon qui Faisait Trop Peur

Le Chevalier et le Dragon qui Faisait Trop Peur

Histoire écrite par Valentin Dubrulle

Il était une fois, dans le royaume de Grandval, un dragon qui habitait au sommet de la Montagne Grise.

Il n’avait jamais attaqué personne.
Il ne descendait jamais au village.
Mais chaque fois qu’il éternuait — FWOOSH — une gerbe de flammes sortait de ses narines, et tout le ciel devenait orange.

Alors, les gens avaient peur.

On disait qu’il mangeait des pierres pour se faire les dents.
Qu’il avalait les rivières entières pour se laver les ailes.
Qu’il avait des griffes si longues qu’elles touchaient la lune.

Un jour, le roi en eut assez.

— « Ce dragon fait trembler tout mon royaume ! Il faut l’affronter ! » déclara-t-il d’une voix qui tremblait peut-être un peu lui aussi.

Il convoqua ses chevaliers.
Tous baissèrent la tête.
Sauf Eloi, un jeune chevalier pas bien grand, au bouclier cabossé et à l’épée toute rayée.

Eloi n’était pas le plus fort.
Ni le plus rapide.
Mais il avait quelque chose que les autres n’avaient pas : un cœur curieux.

— « J’irai, Majesté, » dit-il.

Le lendemain, il enfila son armure trop large, harnacha son petit cheval gris, et partit vers la Montagne Grise.


Le voyage fut long.

À mesure qu’il approchait, le ciel s’assombrissait.
Le vent charriait une odeur de fumée et de fleurs brûlées.

Enfin, il arriva au sommet.

Le dragon était là.

Immense.
Majestueux.
Assis sur un tas de pierres lisses, l’air triste, soufflant de la fumée par les naseaux.

Eloi dégaina son épée.

Le dragon le regarda.

Pas avec des yeux de monstre.
Avec des yeux fatigués.
Un regard qui disait :
« Pourquoi tu viens me déranger ? »

Le chevalier sentit son épée devenir très lourde.
Il la rangea.

Puis il demanda, d’une voix tremblante mais polie :

— « Monsieur le Dragon… pourquoi faites-vous si peur aux gens ? »

Le dragon poussa un immense soupir qui fit voler les cailloux autour d’eux.

— « Je n’ai jamais voulu faire peur, » dit-il d’une voix rauque comme le tonnerre. « Je suis né trop grand. Trop bruyant. Trop brûlant. »

Il raconta qu’il ne savait pas cracher des flammes minuscules.
Qu’il ne pouvait pas éternuer en silence.
Qu’il rêvait juste de dormir tranquille et de faire pousser un jardin de pierres chaudes sur sa montagne.

Eloi écouta.
Longuement.

Puis il eut une idée.


Quelques jours plus tard, le jeune chevalier revint au château.
Il expliqua au roi ce qu’il avait découvert.

— « Le dragon n’est pas méchant, Majesté. Il est juste… impressionnant. »

Alors, ils décidèrent ensemble de changer les choses.

Ils construisirent un immense jardin de pierres et de fleurs résistantes, tout autour de la montagne.
Ils installèrent des panneaux : « Attention : dragon gentil mais très impressionnant ».
Ils organisèrent même des visites guidées pour montrer aux enfants comment faire un signe de la main pour saluer poliment le dragon.

Et le dragon, dans son jardin fumant, souriait en dormant.

Depuis ce jour, dans le royaume de Grandval, on raconte qu’il ne faut jamais juger quelqu’un à sa taille, ni à ses flammes… mais à la chaleur de son cœur.

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