Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Éloïse était une petite fille au sourire courageux, qui habitait tout près du Mont-Saint-Michel. Tous les jours, elle regardait la mer monter et descendre, engloutir les chemins, puis les redonner, comme un grand souffle qui joue avec la Terre.
Un soir d’automne, alors que le vent soufflait doucement et que les nuages coloraient le ciel en violet et or, Éloïse remarqua quelque chose d’étrange : au pied du Mont, à moitié enfouie dans le sable humide, brillait une clef.
Pas une clef ordinaire : elle était immense, presque grande comme son bras, toute argentée, et ornée d’anciennes runes qui luisaient doucement dans la pénombre.
Curieuse, Éloïse la ramassa. Aussitôt, elle sentit la terre trembler légèrement sous ses pieds.
Une voix, sortie du vent, murmura :
« La Clef des Marées n’ouvre pas des portes… elle ouvre des chemins. »
Sans vraiment comprendre, Éloïse serra fort la clef et s’avança vers le Mont, qui semblait l’appeler.
À mesure qu’elle marchait, un passage secret se révéla : une vieille porte sculptée, dissimulée derrière une touffe de lierre, à flanc de roche. La clef vibra dans sa main. Tremblante d’excitation, Éloïse l’introduisit dans la serrure.
Cliiiic…
La porte s’ouvrit en silence, révélant un escalier en colimaçon, qui descendait profondément sous le Mont.
Sans hésiter, Éloïse s’engagea dans l’obscurité, guidée par de petites lanternes suspendues dans l’air, comme si elles flottaient toutes seules.
Au bout de l’escalier, elle déboucha dans une immense salle : une mer intérieure, cachée sous le Mont, aux eaux phosphorescentes. De petites îles flottaient doucement sur l’eau, chacune portant un secret oublié : un vieux carrosse en or, un sablier qui ne s’arrêtait jamais, un arbre aux fruits d’étoiles.
Mais au centre, sur un îlot minuscule, trônait une immense horloge d’argent. Ses aiguilles avançaient au rythme des marées, gouvernant les flots et les chemins.
Éloïse comprit : c’était l’Horloge des Marées, le cœur magique du Mont-Saint-Michel.
Et la Clef des Marées ?
Elle permettait d’ajuster les marées elles-mêmes.
Elle pouvait ouvrir les chemins pour les voyageurs perdus, ou refermer la mer pour protéger ceux qui en avaient besoin.
Un choix énorme pour une petite fille.
Soudain, une brume légère s’éleva, formant un visage bienveillant : celui du vieux Gardien des Marées.
— « Éloïse, » dit-il doucement, « chaque marée est une promesse : tout ce qui part revient. Que souhaites-tu faire ? »
Après un instant de réflexion, Éloïse répondit :
— « Je veux que le Mont protège toujours ceux qui en ont besoin, mais qu’il reste mystérieux pour ceux qui veulent juste prendre sans comprendre. »
Le Gardien sourit.
La clef se transforma alors en un minuscule pendentif, léger comme une goutte d’eau, qu’Éloïse accrocha autour de son cou.
Quand elle ressortit du passage secret, le soleil se couchait, et la mer montait doucement, comme pour applaudir son choix.
Depuis ce jour, on raconte que le Mont-Saint-Michel choisit ses protecteurs parmi ceux qui savent écouter le murmure de la mer… et que parfois, une petite silhouette discrète veille discrètement sur les marées.