Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Gustave était un vieux manège en bois.
Il trônait au milieu d’un petit parc, entouré de bancs, de pigeons, et de souvenirs d’enfants.
Il avait des chevaux dorés,
une montgolfière un peu bancale,
et un avion qui ne volait que dans les rires.
Il tournait,
et tournait,
et tournait toujours dans le même sens.
Vers demain.
Vers les après-midis pressés.
Vers le grandir, le vieillir, le continuer.
Mais un matin gris, alors que personne n’était encore là,
Gustave soupira un petit craquement de bois sec.
Les ampoules clignotèrent.
Mais Gustave, lui, n’écoutait pas.
Il se souvenait.
Du garçon qui montait toujours sur le cheval vert.
De la fillette qui criait « encore » même quand la musique s’arrêtait.
Du vieil homme qui venait s’asseoir juste à côté, sans monter, mais les yeux brillants.
Et il voulait les revoir.
Revivre. Juste un peu.
Alors ce matin-là, quand un enfant monta sans se douter de rien…
Gustave tourna à l’envers.
Et là,
quelque chose changea.
Le vent sembla plus doux.
Les rires résonnaient comme des souvenirs.
Le parc devint flou autour.
Et l’enfant, sans savoir pourquoi, eut une larme douce au coin de l’œil.
Il ne pleurait pas.
Il se rappelait.
Peut-être une voix.
Un câlin.
Une chanson.
Quelque chose qu’il n’avait jamais vraiment oublié.
Quand le tour s’arrêta, le manège redevint sage.
Il ne dit rien.
Mais pendant quelques secondes…
il avait fait danser le passé.
Et depuis ce jour, parfois, à la toute fin d’un tour,
Gustave tourne juste un peu à l’envers.
Pas pour aller plus vite.
Pas pour faire peur.
Juste pour rappeler que
certains souvenirs ont encore envie de tourner.