Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Chaque matin, la vallée du Haut-Balcon s’éveillait dans le brouillard.
Un épais nuage blanc recouvrait les arbres, les toits, les chemins.
On aurait dit que le monde tout entier était en train de bâiller.
Les habitants y étaient habitués.
Ils vivaient dedans comme on vit dans une couverture tiède.
Mais ce qu’ils ignoraient, c’est que le brouillard… écoutait.
Car dans une maison très ancienne, au bord de la rivière, vivait un vieil homme que l’on appelait Maître Galin.
Il ne parlait presque jamais, sauf aux enfants.
Et chaque matin, à l’aube, il sortait sur son perron avec un violon.
Un très vieux violon.
Le bois craquait. L’archet tremblait.
Mais dès que Maître Galin le posait sur son épaule…
Le brouillard s’arrêtait de bouger.
Il jouait.
Des notes longues comme des branches.
Des glissés doux comme l’eau.
Parfois tristes, parfois gaies, mais toujours mystérieux.
Et le brouillard… écoutait.
Il s’épaississait.
Puis se levait.
Et à chaque fin de morceau, il repartait, lentement, laissant le ciel tout bleu.
Les anciens disaient :
Un matin pourtant, Maître Galin ne sortit pas.
Le violon resta accroché au mur.
Le brouillard, lui, resta là.
Plus épais que jamais.
Il recouvrit tout pendant trois jours, sans bouger.
Alors, la petite Mila, 9 ans et demi, décida d’agir.
Elle prit son manteau, descendit chez Maître Galin,
et trouva le vieil homme assis, les yeux dans le vide.
Il ne répondit pas.
Alors Mila prit le violon.
Elle ne savait pas jouer.
Ses doigts tremblaient.
L’archet grinça, les cordes couinèrent.
Mais elle continua.
Une note. Puis une autre.
Des fausses, des cassées, mais aussi… une belle.
Puis deux. Puis trois.
Le brouillard s’agita.
Puis se calma.
Puis, lentement, commença à s’élever.
Maître Galin sourit.
Depuis ce jour, c’est Mila qui joue, parfois.
Pas aussi bien.
Mais avec le cœur.
Et chaque fois qu’elle le fait,
le brouillard écoute.
Et, doucement, s’en va.