Le Feu Tricolore de la Rue 23

Histoire écrite par Valentin Dubrulle

Personne ne faisait attention à lui.
Tous les jours, des centaines de voitures passaient.
Des vélos. Des poussettes. Des livreurs.
Et lui, il restait là, immobile, sur son poteau.

Le feu tricolore de la rue 23.
Vert. Orange. Rouge.
Encore. Et encore.
Depuis… très, très longtemps.

Mais ce que personne ne savait,
c’est qu’à force de tout voir,
tout entendre,
et tout attendre…

il avait développé une conscience.

Il s’appelait Clignot.
Et il en avait marre.

Marre que tout aille toujours trop vite.
Marre que personne ne s’arrête vraiment.
Même pas quand c’est rouge !
(Enfin… surtout les trottinettes.)

Et puis surtout…
il avait un rêve.

Un rêve simple :
changer de couleur.
Pas pour le plaisir.
Mais pour voir ce qui se passerait.

Alors un matin, à 8h pile…
au lieu de passer au vert…
il passa… bleu.

Silence.
Un long silence.
Un cycliste freina.
Un bus s’arrêta.
Une vieille dame releva ses lunettes.

Et tout le monde s’arrêta.
Pas parce que c’était interdit.
Mais parce que personne ne savait quoi faire.

Et là, un petit garçon leva la main.

• « Maman, c’est joli, cette couleur. »
• « On dirait l’eau. »
• « Ou une histoire qui commence. »

Alors les gens commencèrent à parler entre eux.
À ralentir.
Certains s’assirent sur le trottoir.
D’autres sortirent un livre.
Un chien s’endormit.
Et un musicien se mit à jouer.

Pendant 23 minutes,
la rue 23 fut… autre chose.

Pas une rue.
Pas un passage.

Un lieu de pause.
De rencontre.
De bleu.

Puis, doucement, Clignot redevint vert.

Et la vie reprit.
Pas comme avant.
Un peu plus douce.
Un peu plus attentive.

Et tous les jours, à la même heure,
les passants jetaient un œil curieux…
au cas où le feu déciderait de refaire un petit miracle.