Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Une petite fable à la manière d’un conte ancien
Un matin de printemps, un pigeon musclé, fier, au plumage lustré, descendit sur la place du village.
— « Aujourd’hui, » déclara-t-il bien fort, « je vais voler jusqu’au sommet de la montagne là-bas, en un seul battement d’ailes. Qui veut me suivre ? »
Tout le monde applaudit.
Sauf une toute petite plume, tombée d’un vieux coussin.
Elle frétilla dans le vent et dit d’une toute petite voix :
— « Moi aussi… je vais y aller. »
Les animaux éclatèrent de rire.
— « Toi ?! »
— « Mais tu ne peux même pas voler toute seule ! »
— « Tu n’as ni muscles, ni ailes, ni rien du tout ! »
Le pigeon roula des yeux.
— « Très bien, petite plume. On verra bien qui y arrive le premier. »
Et il s’envola.
Il vola très vite.
Très haut.
Avec force, puissance, et fierté.
Mais le vent soufflait fort ce jour-là.
Il se fatiguait vite, luttait contre les bourrasques, fronçait les sourcils, forçait les ailes.
Pendant ce temps, la petite plume…
Se laissa porter.
Elle monta, descendit, tourna, flotta.
Parfois elle s’arrêtait sur une branche.
Parfois elle dansait au-dessus d’un champ.
Elle ne se pressait pas.
Elle attendait le bon souffle.
Le pigeon, lui, avait déjà fait trois pauses.
Il soufflait, transpirait, pestait.
— « Quel vent stupide ! »
— « Cette montagne est trop haute ! »
— « Pourquoi je me suis lancé ce défi ?! »
Et soudain, une rafale puissante passa.
La plume, toute légère, s’éleva.
Elle monta…
encore…
encore…
Et hop, elle atterrit pile au sommet.
Juste au moment où le pigeon arrivait en traînant des ailes, tout essoufflé.
Il la vit, toute calme, posée sur un caillou.
Elle le salua.
— « Coucou. J’ai pris mon temps. »
Ce n’est pas toujours celui qui force le plus… qui arrive le mieux.
Parfois, laisser faire le vent est aussi une forme d’intelligence.