Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Léonie était une lettre.
Écrite à la main, à l’encre bleue, sur un papier doux comme un mouchoir.
Glissée dans une enveloppe ivoire, scellée avec soin.
Elle ne venait pas d’un roi, ni d’un magicien, ni d’un secret d’État.
Elle venait d’un cœur.
Un cœur d’enfant, d’ami, ou d’amoureux.
Un cœur un peu trop plein pour parler tout haut.
Mais voilà : Léonie avait peur.
Pas peur d’être lue.
Peur d’être mal comprise.
Peur d’être ouverte trop vite,
trop fort,
trop distraitement.
Elle voulait qu’on l’écoute du bout des doigts.
Qu’on la devine.
Qu’on la garde.
Pendant des jours, elle resta posée sur une étagère.
Personne ne l’ouvrit.
Elle entendait les murmures :
Mais la personne à qui elle était destinée la regardait parfois,
la retournait doucement,
la posait contre sa joue.
Et Léonie frissonnait.
Car elle sentait que même sans être lue,
elle était comprise.
Un jour, un courant d’air fit frémir la pièce.
L’enveloppe glissa.
La languette faillit céder.
Un coin se plia.
Mais la main se posa aussitôt, délicate,
et rangea Léonie dans une boîte à souvenirs, entre une photo, une plume, et un caillou ramassé au bord de l’eau.
Et Léonie soupira.
Un soupir d’encre.
Un soupir de lettre qu’on n’a pas déchirée,
pas froissée,
pas pressée.
Juste…
respectée.
Et peut-être, un jour, dans longtemps,
quand les mots seront prêts à être lus,
quand le cœur aura besoin de se rappeler ce qu’il savait déjà,
alors Léonie sera ouverte.
Doucement.
Mais même si ce jour ne vient jamais,
elle aura déjà accompli son rôle.
Car parfois, une lettre existe juste pour être gardée.