Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Lina était une goutte d’eau toute jeune, toute claire, née au bout d’un robinet brillant dans une salle de bain calme.
Elle avait tout juste glissé jusqu’à l’évier quand elle s’arrêta net.
Elle regarda autour d’elle.
Elle vit le lavabo blanc, le miroir au-dessus, et la fenêtre entrouverte qui laissait entrer une brise tiède.
Mais Lina, au lieu de filer avec les autres gouttes dans le tuyau comme prévu, leva les yeux vers le robinet d’où elle venait et dit :
— « Moi, je veux savoir d’où je viens. »
Les autres gouttes roulèrent en riant :
— « On descend, Lina. On va vers la mer ! C’est comme ça ! »
Mais Lina n’en démordit pas.
Elle voulait remonter.
Et c’est ainsi qu’elle commença un voyage… à l’envers.
D’abord, elle sauta très haut (avec l’aide d’un petit courant d’air curieux), et se glissa dans le bec du robinet.
Puis, elle se faufila dans les tuyaux sombres et tordus, comme dans un grand toboggan, mais en montée !
Ce n’était pas facile.
Parfois elle glissait, tombait en arrière, devait tout recommencer.
Mais elle ne renonça pas.
Elle passa par la chaudière (où elle devint tiède),
puis par des tuyaux très étroits (où elle se fit toute fine),
et arriva enfin dans une grande citerne cachée sous le toit de la maison.
Là, elle rencontra Gustave, une vieille goutte un peu ronde qui flottait en sifflotant.
— « Tu viens d’où, petite ? » demanda-t-il.
— « Du lavabo, » répondit Lina. « Je veux savoir ce qu’il y a avant moi. »
Gustave sourit.
— « Alors tu dois aller plus haut encore. »
Lina reprit son voyage.
Elle grimpa dans des conduits invisibles, sauta entre des gouttières, remonta par la pompe de la maison…
… puis, contre toute attente, elle sortit enfin de la maison, passa dans un tuyau enterré, rejoignit une rivière souterraine…
et là, elle sentit quelque chose l’attirer vers le ciel.
Elle s’évapora.
Doucement.
Sans douleur.
Juste une sensation de légèreté infinie.
Elle monta dans l’air chaud, devint vapeur, puis nuage, puis vent.
Et là-haut, au sommet du monde, elle comprit.
Avant d’être une goutte dans un robinet… elle avait été partout :
Elle n’était pas en train de revenir en arrière.
Elle faisait partie d’un grand cercle merveilleux.
Et un jour, quand elle redevint une petite goutte et qu’elle glissa à nouveau au bout d’un robinet, Lina sourit :
— « C’est ici que je recommence mon voyage. »