Histoire écrite par Valentin Dubrulle
Robert était un cartable.
Un vrai, solide, bien cousu, avec des bretelles rembourrées, une fermeture éclair qui chantait « zzzzip » quand on l’ouvrait, et une poche spéciale pour les goûters (qu’il trouvait souvent un peu trop collante).
Il appartenait à un garçon très gentil, Léo.
Mais Léo avait une passion étrange : remplir son cartable au maximum.
Robert en avait marre.
Un jour, alors que Léo s’endormait, Robert grogna dans un coin de la chambre :
— « Demain, je pars. Sans lui. Sans les devoirs. Sans les crayons. Je veux une vraie aventure !«
Et cette nuit-là, pendant que tout le monde dormait, il se fit la malle.
Il descendit les escaliers en roulant (maladroitement),
s’ouvrit tout seul pour se vider de ses cahiers (PLOF),
et claqua la porte d’entrée comme une valise vexée.
— « Cap vers l’inconnu ! » cria-t-il en sautillant dans la rue.
Il découvrit vite que le monde était vaste.
D’abord, il essaya de se faire adopter par un groupe de touristes.
Mais l’un d’eux l’ouvrit et dit :
— « Ce cartable est vide… Dommage ! »
— « VIDE ? Parfaitement prêt pour l’aventure ! » s’indigna Robert, et il repartit.
Ensuite, il monta dans un bus scolaire (par habitude)…
… mais en voyant les autres cartables pleins de devoirs, il descendit aussitôt en criant :
— « Non merci, j’ai donné ! »
Puis, il rencontra un sac à dos de randonnée qui lui parla du Mont Grincheux, un sommet si haut qu’on pouvait voir le bout du monde.
Robert n’hésita pas.
Il grimpa, grimpa, glissa, râla, grimpa encore…
Et au sommet, essoufflé, il s’assit sur une pierre.
Devant lui :
La vallée, les nuages, la mer très loin, les oiseaux qui tournaient dans le ciel.
Et pour la première fois de sa vie, Robert… ne portait rien.
Il était léger.
Libre.
Vide.
Et il adorait ça.
Mais au bout d’un moment, une petite pensée s’insinua :
« Léo… doit se demander où je suis. »
Et il se rappela les dessins froissés au fond de la poche,
le vieux bonbon à la fraise collé sur la doublure,
et surtout… les petites mains qui l’avaient toujours porté avec fierté.
Robert soupira.
Et redescendit.
Quand Léo se réveilla, il trouva son cartable posé bien droit au pied du lit.
Propre. Vide. Un peu poussiéreux.
Il fronça les sourcils :
— « Tu étais où, toi ? »
Et le cartable, dans un très léger « zzzzzip », sembla répondre :
« Juste… prendre un peu l’air. »
Depuis, Robert accepte de transporter les cahiers.
Mais il garde toujours un espace vide dans sa poche du fond.
Pour un jour, repartir. Un petit peu. Juste pour voir.