L’Armoire aux Matins Perdus

L’Armoire aux Matins Perdus

Histoire écrite par Valentin Dubrulle

Dans le grenier d’une vieille maison,
entre un fauteuil troué et une pile de valises qui sentaient la poussière,
il y avait une armoire que personne n’ouvrait.

Pas par peur.
Mais parce qu’elle n’était pas censée être là.

Elle n’était pas là hier.
Ni la semaine dernière.
Mais ce matin, en montant chercher des décorations de fête,
Louise l’avait trouvée. Fermée à clé.
Et la clé… était dans sa poche.
(Sans qu’elle sache comment.)


Elle ouvrit.

À l’intérieur, pas de vêtements.
Mais de la lumière.
Une lumière dorée, un peu floue, comme un souvenir qui flotte.

Et posées sur des étagères, bien alignées,
des bouteilles en verre, toutes étiquetées.

« Matin du 12 mars – rires de petit déjeuner. »
« Matin du 8 juin – chagrin dans le couloir. »
« Matin du 23 septembre – silence complice avec le chat. »


C’était… des matins.
Des matins qu’on oublie.
Des matins banals.
Mais qu’on aurait aimé garder.

Louise prit une bouteille au hasard.
Elle l’ouvrit.

Et soudain, elle revécut ce matin-là.
Un sourire.
Un courant d’air.
Un morceau de musique à la radio.
Un chocolat chaud trop chaud.
Et une voix, qu’elle n’avait pas entendue depuis longtemps, qui disait :

« Tu veux encore cinq minutes ? »


Elle referma la bouteille, les larmes aux yeux.
Pas de tristesse.
Juste… de souvenir.

Elle comprit alors que l’armoire ne lui appartenait pas.
Pas vraiment.

Elle était là pour les gens qui en avaient besoin.
Ceux qui courent trop.
Ou qui oublient.
Ou qui veulent simplement revoir, une fois, un matin heureux.


Louise referma doucement l’armoire.
Et, dans sa poche,
il y avait maintenant une autre clé.

Elle ne savait pas encore à qui elle la donnerait.
Mais un jour, elle saurait.

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